Le Kentucky

La désignation de ce fusil à long canon est une erreur qui résulte d’un amalgame. Il aurait en fait dû s’appeler « Pennsylvanie », car ce sont les nombreux immigrés allemands dans cet état qui l’ont inventé. Et s’il s’appelle Kentucky, c’est tout simplement à cause d’une milice du Kentucky armée de tels fusils qui se rendit célèbre pendant la guerre d’indépendance en tuant à longue distance beaucoup d’officiers anglais.

Ces immigrés allemands avaient amené avec eux leurs « yäger », fusil  à canon relativement court et de gros calibre, très précis mais très long à charger car il fallait enfoncer la balle de plomb pur à grand coups de maillet.

Lorsque ces immigrés sont arrivés, le gros gibier avait déjà été pratiquement exterminé par les premiers colons anglais, et la poudre ainsi que le plomb étaient chers et rares. Ils eurent donc l’idée de créer un nouveau fusil de plus petit calibre que leur yäger, mieux adapté au tir à longue distance du petit gibier et permettant une moindre consommation de poudre et de plomb.

Cette poudre étant par ailleurs souvent de mauvaise qualité, ils pensèrent qu’allonger le canon permettrait une combustion plus complète de celle-ci. Et comme ce long canon, forgé la plupart du temps à partir de vieux fers à cheval ayant bien battu les cailloux des chemins pour en renforcer la cohésion des atomes, était lourd, c’est le bois du fût qui fut aminci à l’extrême pour ne pas encore alourdir l’arme, lui donnant ainsi cette ligne si élégante.

Les canons étant tellement longs (généralement de 42 à 48 pouces de longueur) et le fût si mince (2 à 3 mm d’épaisseur) qu’il suffisait souvent de vouloir démonter le premier pour casser le second. Les calibres étaient par ailleurs compris entre 35 et 45, rarement 50 au maximum.

Enfin, pour permettre un chargement plus rapide en se dispensant du maillet, ils eurent l’idée de réduire un peu le calibre de la balle et d’entourer celle-ci d’un morceau de chiffon gras (le « patch ») pour pouvoir enfoncer le tout simplement avec la baguette.

Les communications étant limitées à l’époque par la distance pouvant être parcourue à pied ou à cheval, c’est à l’échelle du comté que s’étendirent les « modes » concernant la forme et la décoration de ces fusils, biens nécessaires à la survie mais exigeant tellement de sacrifices pour pouvoir se les offrir qu’ils devenaient part entière du patrimoine familial.
La Pennsylvanie étant un des premiers états colonisés et habité par de riches colons anglais, les fusils du coin étaient souvent luxueusement ornés de pièces en laiton, où, à partir des années 1800, en maillechort ou même en argent.

En revanche, quand ces armes conquirent les états plus au sud et beaucoup plus pauvres (Kentucky, Tennessee, etc..), les garnitures passèrent du laiton au fer ou même disparurent (patchbox remplacée par un simple grease hole – trou à suif, plus de plaque de couche ni d’embout de fût ni de contre platine).

Il résulte de tout ceci une incroyable variété de « Kentuckies » comme on peut notamment le voir dans un ouvrage publié par la « Kentucky Rifle Association et intitulé «  Kentucky Rifles Ans Pistols 1750-1850 » qui nous montre des centaines de formes différentes de ligne, de crosses, et de garnitures de ces fusils selon leur comté de provenance.

De nos jours, il y a eu beaucoup de « répliques » de Kentuckies, mais aucune véritablement historique pour des raisons de coût principalement. Proposer des armes avec des canons de 42 à 48 pouces de longueurs aurait coûté trop cher et entrainé trop de problèmes de fabrication.

La seule « réplique actuelle » qui a une certaine réalité historique est le modèle « Frontier » de Pedersoli, tout simplement parce qu’il s’agit d’une copie parfaite du fusil « Hatfield » produit dans les années 1960 par un descendant de la famille célèbre faille Hatfield (voir l’affaire Hatfield contre Mc Coys qui a failli provoquer une seconde guerre civile juste après la première) qui a copié le fusil de son arrière-grand-père.  Ce qui sort néanmoins de cette réalité historique est le système de fixation du canon par vis au lieu des traditionnelles goupilles ou clavettes.

Le "Frontier" de Pedersoli en version à percussion. Il est vrai que dès l'apparition de ce système, de nombreux fusils à silex furent convertis pour la percussion, ce qui était fait très facilement



L'ouvrage de 270 pages de la Kentucky Rifle Association

Le swamped barrel vu de dessus